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Ce que va apporter la voiture autonome dans nos campagnes

— 5 mn de lecture —

Je travaille depuis plusieurs années sur des programmes de véhicules connectés, maintenant les sujets de mobilité que nous développons portent sur les véhicules autonomes.

J’ai le bonheur de vivre à la campagne.

Récemment, la communauté d’agglomération dont dépend mon village a installé 2 bornes de recharge électrique. C’est une bonne chose, car nous voyons de plus en plus de véhicules électriques en circulation. Dans mon travail, je suis évidemment confronté à une accélération des solutions de mobilité. Mais autour de moi, tout le monde concède que les services offerts autour de la mobilité se développent à une vitesse incroyable.

Et alors, si les changements en cours pour améliorer la mobilité sont de plus en plus rapides, quelle est la prochaine étape ? Que se passera-t-il quand le véhicule autonome s’installera progressivement sur les routes de campagne environnantes ?

Pour commencer, il convient de comprendre ce que signifie la mobilité dans les zones rurales françaises et comment la vit-on.

En France, la spécificité de l’espace rural montre un découpage en 4 catégories : les communes périurbaines ; les zones rurales incluses dans les zones à dominante urbaine ; les zones rurales sous faible influence urbaine ; les pôles ruraux et zones rurales isolées.

En termes de mobilité, les communes périurbaines sont des extensions des zones urbaines, souvent rattachées ensemble en communauté de communes ou communauté d’agglomération. Il en est de même pour les zones sous influence urbaine forte.

Migrations journalières

Dans les zones rurales sous faible influence urbaine, la part des migrations alternatives journalières s’est accrue depuis les dernières années, avec des coûts financiers et écologiques très importants.

Les pôles ruraux et les zones rurales isolées ont de plus en plus de migrations journalières et les déplacements vers les centres urbains sont en constante augmentation. L’arrivée de néoruraux, citadins de retour dans les campagnes qui cherchent des alternatives au mode de vie urbain, conservent souvent une relation professionnelle forte à leur ancien lieu de résidence. Le télétravail ne répond qu’imparfaitement à leurs organisations professionnelles. Ils se doivent de conserver un lien physique avec leurs relations de travail. Ils ont aussi fréquemment besoin de se rendre dans des lieux où ils peuvent accéder à des moyens de transport longues distances (aéroports, gares). L’option pour la ruralité constituent pour eux un choix global de vie, bien qu’ils soient nourris de culture urbaine. Il s’agit de populations dont le niveau d’exigence en matière de mobilité est relativement élevé, et souvent déçu.

Et ce type de demandes est de plus en plus important dans les zones rurales. Dans ces territoires ruraux, la clientèle touristique, résidents secondaires ou touristes de passage, a généralement les mêmes attentes.

Dans les espaces ruraux, la mobilité conditionne aussi bien l’activité économique, l’emploi, l’intégration sociale, l’accès aux services privés ou publics et l’environnement. 

De nombreuses études sur des zones d’emploi rurales montrent que l’accès à l’emploi implique souvent des navettes quotidiennes vers les zones d’activité économique. Dans ces conditions, les difficultés d’accès à l’emploi sont directement liées aux difficultés d’accès aux services de mobilité. La concentration d’un nombre croissant de services publics en zone urbaine rend la fréquentation de ces services directement tributaire des possibilités de déplacement des populations concernées. L’enjeu est souvent de permettre l’accès à ces services collectifs indispensables à la vie de tous et qui disparaîtraient sans la fréquentation des habitants des zones rurales environnantes.

Migration urbaine

L’accroissement des coûts du foncier en centre-ville conduit également à des phénomènes d’éviction notamment pour les familles avec enfants, et ce toute classe confondue. Cela conduit de plus en plus souvent les foyers à s’installer dans les zones rurales à plusieurs dizaines de kilomètres de leur lieu de travail, au prix de frais de déplacements importants. La qualité des transports collectifs est, dans ce type de configuration, un enjeu très large. L’aspect environnemental est également important. L’espace rural est généralement peu encombré, l’air y est pur, la circulation fluide. Les contraintes de préservation de l’environnement semblent moins fortes que dans les milieux urbains. Pourtant l’importance des distances à parcourir et l’absence de transports collectifs efficaces rendent finalement l’empreinte écologique des déplacements bien plus forte qu’en ville.

Solutions de mobilité non adaptées

Pour une partie très large du public habitant les campagnes, les difficultés à trouver des solutions de mobilité sont grandes. Les jeunes, les demandeurs d’emploi ou étudiants, les personnes âgées, les personnes avec un handicap ont tous des besoins très partiellement voire faiblement couverts. Les services de transport collectifs par exemple ne sont souvent que des services en jours ouvrés, à heures fixes et financièrement accessibles, très limités et temporellement contraignants.

Situations d’exclusion

De façon plus générale, les problèmes de mobilité aggravent, en milieu rural, les situations d’exclusion. Les personnes en difficulté sociale y sont plus isolées. Avec un manque de moyens financiers qui limite sensiblement leur accès aux déplacements, les difficultés de mobilité sont une spirale négative qui aggrave l’éviction. Les personnes âgées ne se déplacent généralement pas de manière récurrente mais plutôt sur un rythme qui ne correspond pas aux horaires de travail. Ils doivent par contre être accessibles par les usagers au plus près de leur domicile. Les besoins des personnes en situation de handicap sont plus difficiles à couvrir car multiformes selon la nature du handicap.

Plus globalement, les besoins liés à la vie sociale et à l’accès aux loisirs sont très mal couverts.

L’absence de solutions de mobilité capables de répondre correctement à des besoins très diversifiés aggrave la fracture rurale.

Que viendrait faire la voiture autonome dans tout cela ? Commençons déjà par un bref résumé pour partager où nous en sommes.

Voici une illustration des phases de lancement des véhicules autonomes synthétisant les annonces des constructeurs et des nouveaux acteurs de la mobilité (Google, Uber, etc.).

© Mobileese®

La pénétration massive des véhicules avec capacité d’autonomie complète est prévue à partir de 2026. Dans 10 ans… ! Un cycle de renouvellement progressif du parc devrait suivre sur plusieurs années. Les voitures que nous connaissons (et aimons) aurons complètement disparues 20 années après cela.

Tenant compte de ces estimations, nous contemplons une fenêtre de disruption massive quelque part entre 2020 et 2030.

On le voit, ce n’est donc plus une question de “SI” mais de “QUAND”. Le capitalisme étant ce qu’il a été jusqu’ici, ce que le marché veut, le marché l’obtient. La compétition fera le reste et assurera sa réalisation, aussi brutale cela peut-il être considéré aujourd’hui. Tesla et Google ne sont pas les seules qui développent des véhicules autonomes. Il y a bien d’autres.

Exemples de développement

Une société appelée Veeo Systems développe des véhicules dont la taille est comprise entre 2 sièges et 70 sièges, et débutera ses tests dans 30 villes américaines à la fin de cette année.

Navya est une entreprise française spécialisée dans la conception de véhicules autonomes, électriques et robotisés. En 2015, elle a lancé la navette autonome Arma, premier véhicule autonome de série sans chauffeur à être commercialisé. Les dirigeants de Navya estiment le marché mondial actuel des véhicules autonomes de transport collectif (VATC) à 60 000 unités, pour équiper des sites fermés sur lesquels se trouvent plusieurs bâtiments reliés par des voies privées :

  • des aéroports
  • des sites industriels
  • des campus
  • de grands hôpitaux
  • des centres de congrès ou d’expositions
  • des parcs d’attraction

Actuellement, Navya a démarré des tests grandeur nature dans l’agglomération Lyonnaise, en Suisse à Sion, en Australie, et va multiplier ses expérimentations dans de nombreux autres sites dans les prochains mois.

Apple développe également sa propre voiture auto-conduite. Le projet a pour nom de code Titan et le véhicule ressemble à un mini-van, d’après le Wall Street Journal. Apple a déjà aujourd’hui la technologie permettant la création de véhicule électrique et toute l’expertise de gestion d’une large supply chain. La compagnie fait depuis longtemps des recherches approfondies sur la technologie de batterie pour ses iPhones, iPads et Macs. Le système de cartographie a démarré en 2012 et peut-être utilisé pour la navigation.

Uber travaille également à son propre véhicule. La société déclare développer “des technologies clés à long-terme qui soutiennent la mission d’Uber d’apporter de la sécurité, des transports fiables pour tous, partout”, en incluant véhicules autonomes, sureté du véhicule et services de cartographie. La stratégie de s’affranchir des revendications syndicales de ses chauffeurs est également une grande motivation.

Le cabinet allemand de conseil Roland Berger, dans sa récente étude sur la transition automobile, anticipe un scénario possible transitoire où un des 2 véhicules personnels du foyer est « remplacé » par un ensemble d’usages de solution de mobilité alternative comme des robot-taxis ou robot-navettes (RoboCab). D’après le cabinet, ces alternatives pourraient couvrir un tiers du marché de la mobilité automobile en 2030.

La voiture reste une obligation, mais elle est tellement sous-utilisée qu’elle coûte très cher. Entre 5000 € et 8000 € par an d’après la dernière étude de l’Automobile Club Association.

Alors ce nouveau concept de robot roulant, que cela peut-il amener de bon ?

Le prix. De 25 à 40% moins cher, le coût de transport de ces véhicules de transit, pris à plusieurs serait significativement moins élevé que les traditionnels bus et trains. Les véhicules étant électriques, rechargeables et mutualisés pourraient coûter de 1 à 3 € par jour et par personne.

La sécurité des personnes. Par nature, la machine n’est jamais fatiguée, jamais distraite. Les machines ne regardent pas leurs smartphones plutôt que la route. Les machines ne boivent pas d’alcool, ne prennent pas de drogues, ou tout autre chose qui contribue au nombre d’accidents de la route qui, en plus des nombreux morts, provoquent un nombre incroyable de dégâts durables sur les personnes et sur les matériels.

Et pour réduire la fracture rurale

On le perçoit, une convergence pourrait être trouvée entre le service potentiel des véhicules autonomes et les problèmes vécus dans les campagnes.

Les familles qui doivent gérer un agenda de loisirs, d’activités culturelles et sportives de la famille, qui jonglent entre les horaires de travail, l’accès aux zones commerciales distantes…

Les jeunes qui sont éloignées des villes et de leurs plus nombreuses activités …

Les chercheurs d’emploi pour qui les contraintes sont complexes, car recherche signifie déplacement…

Les personnes âgées, les personnes avec un handicap qui ont aussi des besoins d’accéder à des ressources éloignées et difficilement accessibles…

Dans un premier temps, si des navettes autonomes, utilisés en mode circuit (moins cher) ou à la demande (plus cher), en plus grande sécurité que nos engins actuels, étaient disponibles, cela apporterait déjà radicalement une réponse positive à un certain nombre des problèmes évoqués précédemment.

Et évidemment, nous ne parlons ici que d’un premier angle d’approche. Bien avant que tous les véhicules devenant entièrement autonomes changent fondamentalement les notions de distance et d’équilibre dans l’accès pour tous à toutes les ressources distantes.

Nous pourrions ainsi certainement combiner le plaisir des espaces verts dans la même dynamique de mobilité que les citadins.

© EPA/MAXPPP/ GOOGLE / HANDOUT

Acteurs du changement

J’appelle ici les collectivités territoriales, petites agglomérations ou communautés de communes à rejoindre cette réflexion pour tenter les premières expériences qui nous permettront d’anticiper et de s’adapter aux changements à venir tout en les maîtrisant.

Si vous voulez discuter et agir à propos de tout ce qui peut être lié à cet article, n’hésitez pas à dire que vous l’aimez, ou laisser un commentaire et entamons les échanges !

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